Lafoda couverture
Le "Qui suis-je ?" #2
1. J'ai peu de moyens, alors j'aime déambuler dans les villes à la recherche de restes encore potables que les gens jettent dans la poubelle ou à même le sol. Cela dit, c'est vrai que j'attrape la gastro très souvent. Mais comme dit mon vieux pote : "Vaut mieux chopper la chiasse que de perdre ses doigts de pattes". Et il a raison : quand je le vois trimballer sa carcasse sur ses deux tiges dont les extrémités n'ont plus de doigts, je me dis qu'une diarrhée est de loin préférable.

2. J'aime redistribuer le surplus que j'accumule à cette société qui m'a tant donné. Alors je n'hésite pas à le faire sans compter. Il est vrai que des fois, je redistribue maladroitement et j'en mets partout.
Certains marchent dessus ou se le reçoivent sur le crâne.



3. Hier, je squattais au parc pour faire passer le temps. À un moment, un passant décide de jouer avec moi. Enfin, il a joué contre moi. Il s'approche et me tend un bout de pain. Ni une ni deux, je me précipite vers ce mets de choix. Faut dire que je n'avais pas eu l'opportunité de manger quelque chose d'aussi "frais" depuis des jours.
Arrivé à destination, il range soudainement son bout de pain dans sa poche et me parle. Alors moi, je ne comprends évidemment rien vue que ce n'est pas ma langue. Je ne suis dans cette ville que depuis une semaine. Je comprends souvent le ton des gens qui ne parlent pas ma langue. Et ce gars semblait louche.
Il s'approche de moi et d'un coup d'un seul, gratuitement, me frappe avec son pied.
Malgré la douleur, je réussi à m'échapper et à me poser dans un nouveau lieu sûr.

Je ne les comprends pas des fois, les gens.


Mon vieux pote aime souvent dire aussi qu'"il y a des cons partout, tu sais". Là, dernièrement, je lui réponds qu'il y a plutôt des bons partout parce que des cons, il y en a légion. C'est pas ça qui manque.
Il est resté pensif. J'ai vu à son oeil (parce que l'autre ne fonctionnait plus) qu'il ne comprenait pas bien.
Alors je lui explique que dire qu'il y a des cons partout signifiait, selon moi, que la plupart des gens étaient bons mais qu'on trouvait toujours quelques uns qui étaient cons.
Je lui dis de remplacer "cons" par "bons" et vice-versa pour comprendre ce que j'étais en train de lui expliquer.
Là il me regarde de son oeil vitreux, se grate le buste et part sans un mot.

4. On nous observe et on nous analyse très souvent. Je les vois moi, ces experts qui scrutent nos va-et-vient constamment. Se demandant pourquoi nous utilisons tel chemin plutôt qu'un autre. "D'où venons-nous ?", "Que faisons-nous là ?". On veut nous anticiper, moi je vous le dis. Pourquoi ? Je n'en ai absolument aucune idée. Je sais juste que nous restons imprévisibles à leurs yeux.

5. Aujourd'hui, j'ai retrouvé mon vieux pote dans un coin de rue. Tout seul. À côté d'une bouche de sortie d'air chaude mais assez loin pour y laisser la vie quand même.
Ses deux tiges étaient horizontalement placées sur le sol. Sa tête pendait vers l'avant et laissait son bec en contact avec le sol froid. Ses ailes inertes s'affalaient par terre et prenaient déjà la poussière.

Une petite fin du monde pour moi mais la faim étant plus grande, je vais voir s'il a laissé derrière lui, de quoi picorer.



Qui suis-je ?


*09 Février 2024