Lafoda couverture
Briques et Gravas
Dans le fracas des frictions passées, les Briques rouges de ce mur avaient finies par se rendre à l'évidence du sens de leur existence : promiscuité, destin comprimé et premières au front lors d'intempéries.

Au total, elles étaient 70 millions. 70 millions de pauvres bougresses, tailladées et enrugeusées par la vie. On les lave une fois par an, on les bichonne pour qu'elles gardent leur confiance de Brique rouge.


Décoffrées industriellement, elles avaient nourries l'espoir intime de s'ériger un jour comme bon leur semblerait, vu l'énergie et l'investissement que l'on mettait à les produire.
Aujourd'hui, leur seul espoir est de ne pas finir comme les Gravas qui se trouvent à leurs pieds qui, tous les jours, sont piétinés ou se font rouler dessus.
Les Gravas, eux, sont des milliards. Ils se sont faits défracter dans une carrière à coups de dynamite à 300 km d'ici.
C'était à l'époque.
Aujourd'hui, c'est vrai, le respect et le progrès ont fait qu'il y a une amélioration quant à leur production : le TNT.

Ils n'ont comme seule liberté, celle de se mouvoir que lorsqu'on les piétine ou qu'on leur roule dessus.


Les Gravas aimeraient être Brique pour être au plus près de ce qu'elles protègent.
Les Briques, par contre, n'aimeraient pas devenir Gravas, de peur de ne plus être bichonnées au moins une fois par an par ceux qu'elles protègent.
Ce qu'elles ne veulent et ne peuvent accepter, de peur de devenir Gravas, est que ceux qu'elles protègent, lorsqu'ils se disputent entre eux, finissent par fuir, laissant Briques et Gravas à la merci des bombes.
Les Briques, moins habituées, seront dévastées.
Les Gravas, habitués, continueront de souffrir.
Lorsque la dispute finira, les protégés reviendront re-construire leur château bancale, en ramenant de nouvelles Briques fraîchement décoffrées et en ayant pris le temps de bien tout raser préalablement.

Les Gravas, eux, seront toujours là et certains se rappellent avec mélancolie, lorsqu'ils étaient Briques.




*29 Février 2024