Lafoda couverture
1787 - les Confidences salées d'Emmanuel Kant (Barry White - Never, Never Gonna Give Ya Up)
Il s’appelle Kant Emmannuel et a 76 ans. C’est un beau gaillard de 100 kilos qui est allongé sur son lit, rêvant de métaphysique et autres étroitesses du conduit analytique.
Son poids était l’attraction principale de sa personne : ses potes s’amusaient à faire des mots d’esprits pour rire dans la chaleur et la bonne humeur : « Et manuel ?! Oh beau gosse ?! Écoute, on a réfléchit et on s’est dit qu’avec tes livres aussi violents qu’une mono-fellation, ton corps si délicat à déterminer et ton émerveillement face au monde de la guerre, on s’est amusé à imaginer quelque chose qui aurait ces trois caractéristiques et on a trouvé : Tank ! » - de petites rigolades entre amis consentants intellectuellement.
Mais ni le poids de Kant ni sa sexualité aussi débridée que celle d’une puce de lit ne sont le sujet de ce texte ci-après. Kant est en pleine rédaction de son œuvre majeure :
Critique de la raison pure. Bam ! Le titre est lancé ! La mécanique s’enclenche : pendant que les a priori et les a posteriori tanguent ensemble, les analytiques et les synthétiques se susurrent : tu pues du cul. Kant se trouve, à cet instant, bien loin de nous : il vogue entre la sagesse et le sublime. Il n’a que faire de ces plaisanteries toutes aussi choquantes les unes : que les autres.
Une petite miette bibliographique avant, pour nous injecter dans le monde merveilleux, espiègle et aventurier de tonton Kant lors de la rédaction dudit livre.
Kant se trouve assis dans son bureau, accompagné de son amie Ulriche qui fêtera en août prochain ses 80 ans.
Encombré de livres, de feuilles, de plumes, de l’encre un peu partout.
Les lunettes de Kant glissent sur cette transpiration artificielle de masturbations intellectuelles. Sa barbe grise couvre ses habilles...visage boursouflé...regard sévère mais là pour l’occasion, il se sent décontracté : regard de fumeur ou de merlan frit, pour les non-fumeurs.
Devant lui donc, cette femme de près d'un siècle si recourbée que ce sont ses genoux qui la retiennent : à cet effet, professeur Kant a tout prévu : une série de miroirs disposés par terre jusqu’à s’articuler en s’inclinant de plus en plus pour que leur image puisse être transmise l’un à l’autre. Si on ne comprend pas le procédé, ne pas se fatiguer : s’imaginer ces petits miroirs que l’on place sur le dessus de notre pied et qui nous sert à voir l’autre visage des choses. Oui, Kant est un pro en matière de miroir. N’oublions jamais que cette découverte lui appartient.
Ils discutent par miroirs interposés. Ponctuellement, Kant s'improvise chercheur en gériatrie et récolte de la bave de la vieille dame lorsque les miroirs deviennent trop flous.
Essayons à présent de s’introduire dans la discussion :
" - Ulriche, ma chère amie...je dois vous faire part de quelque chose qui me ronge au plus profond de mon être.

- Vas-y, balance mon choux !


- ...voilà, je ne sais pas par où commencer...
- Commence par définir le moment : c’est à dire maintenant, parce que je n’ai pas toute la vie devant moi comme tu peux le remarquer, alors accouche chérie ! En plus, il y a un bel étalon qui m’attend dehors, je ne veux surtout pas le laisser attendre. Eh oui, on se maintient, que crois-tu ? Tu penses que je suis si recourbée à cause de mon âge ? ... puceau-va !
- Et bien justement, vous m’offrez-là une transition parfaite pour le sujet qui m’est si difficile de décontracter : voilà..."je n’ai jamais fait", le verbe faire hein, conjugué au passé composé de la troisième personne du singulier, "l’amour", le substantif de la compénétration des êtres : je suis ‘puceau’ comme vous dîtes. "
La vieille s’était peu à peu relevée, affichant sur son visage une fausse surprise : plus besoin de miroirs : la virginité de Kant a su relever cette colonne vertébrale de près d'un siècle qui fut raccrochée comme un vulgaire téléphone de dealer. Là, c’est le portable qui s’est ouvert au ralenti pour faire perdurer le moment où l’on espère que c’est Janine ou Valentin qui nous envoi un texto.

" - Mais depuis quand... je veux dire : tu te branles au moins ?
- Je vous en prie Ulriche, un peu de tact !

Il me fut très difficile avant de pouvoir ne serait-ce qu’envisager de me poser la question : est-ce que toucher c’est baiser ? Et puis bon, je me suis fait une petite culture et j’ai fini par comprendre que tout ça n’était question en fait que d’un échange de fluide à travers une excroissance et un aplanissement du terrain pour cause de glissements.
- Oui oui, excuse-moi trésor, je voudrais te remercier pour ce dos : tu m’offres un deuxième raccrochage après un appel annonçant la réussite d’une grosse vente !
Bref, tu ne t’es jamais dit : ‘il faut que je trempe cette zigounette triste de ne pas être mise en branle ?’. Non ?! Des fois ? ‘lorsque tu vois des jeunes femmes passées dans la rue’ ? Ah...bah c'est bien, j’ai envie de te dire. Et alors ? Tu es toujours en mode stationnaire sur cette question ? Tu as rendu le bilan ? ... Parce que ‘ça aurait été trop long d’y répondre et d’y écrire un livre ensuite ?' ".
La vieille se relève encore un peu plus.

" - ... mais mon choux, personne ne te dis d’écrire des livres à chaque fois que tu te poses des questions...regarde où tu en es !?

Tu dois être envouté par l’esprit du sexe lui-même : 72...73 tu as ? 73 ans sans avoir jamais vécu les applaudissements de deux bassins qui se frappent, c’est triste. Tu devrais au moins aller aux putes !
- Enfin Ulriche !
- Bah quoi ?! tu vas faire comment à ton âge ?
- Avec tout le respect que j’ai pour vous, vous avez l’âge que vous avez et vous cultivez toujours l’art du sexe.
- Oui, mais c’est la crise pour vous, pas pour nous et puis il y a toujours quelques précoces d’âge qui tournent autour de vieilles femmes comme moi...et il y a, ‘moins’ je dois l’avouer, de précoces d’âges qui ne tournent autour de rien du tout. Comme toi.
Mais écoute, parce que là je dois me casser et garder de l’énergie et ne pas la gaspiller en essayant de comprendre ton état : va aux putes !

Tu dis que c’est ‘fleur-fanée’ qui t’envoie, c’est moi.

Elles te feront à l’œil, c’est pour moi.
Sinon écoute, arrête un peu toute cette recherche philosophique en quête du savoir du pourquoi, du comment, du si-ce-n’est-que etc, histoire de baiser quoi ! De voyager un peu, toi qui n’as pas dépassé les frontières de Königsberg : tente l’odyssée de l’espace vaginale.
Tu vas voir, tu vas aimer.
Allez, au revoir et à la prochaine. " - dit-elle en lui lançant un sourire forcé et hâtif de retrouver son prince charmant.
Kant, quant à lui, un peu dépité, enlève ses lunettes, les pose sur la table.
"Putain, elles sont crades " – se dit-il.
Il les essuie.
Cet échange avec sa chère amie ne l'empêcha pas de commettre "Critique de la Raison Pure", une œuvre majeure dans l'Histoire de la philosophie.

Il comprit que la qualité d'une oeuvre se mesure selon le degré du manque sexuel que subit l'artiste.

Toute cette accumulation de frustration sexuelle relâchée en une création artistique, tel le jet violent du vomis dans un bon film comique américain. On aime ou on n’aime pas, ça se sent de loin.

*2013